A l’heure où la French Tech déploie sa marque pour porter les couleurs du numérique, Christophe Chapet, Président d’ADN Ouest (1), replace le curseur au niveau des entreprises, moteurs de l’innovation numérique.
Vos attentes vis à vis du label French Tech ?
C’est un plus que l’État s’occupe enfin de notre filière, comme le BTP, la petite enfance ou la navale. Valoriser le numérique à l’international, c’est positif aussi. Le petit côté négatif que je vois dans la démarche, c’est de voir que c’est abordé sous l’angle des petites start-up alors que les grosses boites représentent 98 % du poids économique de la filière. Le numérique, c’est l’innovation et IBM innove depuis 100 ans… Il ne faut pas l’oublier. On a autant de chance de gagner au loto qu’une start-up devienne Google demain ! L’innovation est partout, pas seulement dans les start-up.
Que faut-il faire pour structurer la filière ?
Il faut d’abord communiquer sur ce qu’est réellement le numérique. Il faut parler des prestataires, des directeurs des systèmes d’information, des écoles comme Polytech, IMEI, pas assez valorisées par rapport aux écoles américaines. Nous avons 25 écoles dans le grand Ouest, elles sont visibles en région, peu connues à Paris et quasiment inconnues à l’international. Et puis il faut donner envie aux jeunes : on gagne bien sa vie, on a des emplois mais on ne le voit pas assez. Il se pose également un problème de compétences : plus de la moitié de nos entreprises manquent de candidats. Dernier effort à faire : sur les 38 000 emplois du réseau ADN’Ouest, il y a seulement entre 2 et 6 % de filles.
ADN’Ouest est un réseau grand Ouest. C’est la bonne échelle pour développer un écosystème ?
Que le label French Tech soit rattaché à des métropoles, c’est bon pour la dynamique de proximité. Mais ce qui compte c’est l’emploi et le poids économique de Brest à La Rochelle. Sigma, par exemple, est installé à Nantes et travaille partout jusqu’à La Rochelle ou Bordeaux. Il faut se situer sur l’échelle Bretagne – Pays de la Loire, c’est vital. Plutôt de grandes régions que des métropoles. Nantes et Rennes auraient pu faire une candidature commune. Les volontés sont proches mais il n’y a pas encore beaucoup de points d’accroche. Sortons des concurrences entre nos territoires.
Est-ce que vous, les professionnels, pouvez organiser le monde digital ?
Que les politiques donnent le la avec la French Tech, c’est bien. Mais je suis favorable à ce que les professionnels se prennent en main. Le politique est un facilitateur mais il ne doit pas tout régenter. On peut imaginer que les grandes entreprises fassent du parrainage pour accompagner des start-up. A ce titre, ce qui se passe avec la West Web Valley est très intéressant. On doit également mieux communiquer sur la création de valeurs dans nos entreprises. Il faut monter un consortium avec tous les acteurs pour organiser la filière.
(1) Association des Décideurs du Numérique de l’Ouest, qui regroupe autour de 300 adhérents.
