Oui toi le grand patron, toi que l’on croise, au détour d’un couloir sombre, avec un léger frisson de crainte dans le dos et une goutte de sueur qui perle sur la tempe. Toi qui inspires le respect, un peu trop parfois… Toi à qui l’on n’ose plus dire, même avec douceur, ses trois ou quatre vérités. T’aurais pas un peu oublié, sur le chemin semé de contrôles fiscaux de la réussite, que toi aussi, dans des temps très anciens, tu as été le salarié, l’assistant, le stagiaire, le faiseur de cafés… Bref, le sous-fifre du boss ?
Ok, tu me diras que c’est toi qui prend les risques, que le destin de tes collaborateurs repose sur tes frêles épaules, drapées dans un costume en pure laine d’alpaga de chez Smalto. J’avoue. Il en faut des comme toi… Des fonceurs, des « qui en ont », pour créer de la richesse, du business, voire un empire (bon, enfin là, dans la com, pas trop). Je te l’accorde. Tu as construit pierre après pierre ta petite entreprise, séduit client après client à la force (ouvrière) du poignet, et fait faire des petits à ton résultat net.
Mais bon, si l’on inversait le point de vue ? Si l’on faisait entrer un pitbull mélenchono-syndicaliste dans ton agence globalement communicante ? En ces temps de disette de marge brute, de réduction drastique des investissements com et de concurrence pas toujours loyale, à quel spectacle assisterait-il ? Pas loin de la machine à café, il remarquerait la pointe d’abattement dans le regard autrefois perçant de ton dircli ; le soupçon de tristesse dans le coup de fil, habituellement enjoué, de ta commerciale ; la panne créatrice de ton DA, jadis inspiré… Dis-moi, le boss, t’aurais pas un peu trop tiré sur la corde, de plus en plus sensible, de tes équipes ? T’aurais pas mis un peu trop la pression sur les résultats, quitte à oublier les tapes dans le dos et les p’tits restos, quand c’était le temps béni de la croissance à deux chiffres ?
Trève de sensiblerie : la vie en agence n’est pas un long fleuve tranquille. Mais bon, faudrait pas manier le burn-out comme une arme de management massif. Eh, le boss ! Si on en revenait aux origines, aux fondamentaux de ta boîte ? A l’esprit pionnier d’une bande de jeunes qui en veulent ? Si on se replongeait dans l’ambiance de ta start-up de l’ère du minitel ? Tu en dirais quoi ?